Qui ne risque rien n'est rien… sur le chemin de Damas, alors que les opinions ont cédé face aux faits…
on ne le dit assez : un âge n'en chasse pas un autre, tous les âges qu'on a vécu coexistent à l’intérieur de soi, ils s'empilent, et l'un prend le dessus au hasard des circonstances.

samedi 24 septembre 2016

"Nos ancêtres les Gaulois"… sommes-nous tous Gaulois, vraiment ?




Baptême de Clovis. Chroniques de Burgos.
Gundisalvus de Hinojosa. XIVe.



Sommes-nous tous des Gaulois ?

Nicolas Paul Stéphane Sarközy Nagy-Bocsa, fils d’immigré hongrois, et petit-fils par sa mère de Bénédict Malah, juif séfarade de Thessalonique, n’a pas une goutte de sang gaulois dans les veines. Quand il était, en 2006, ministre de l’Intérieur, il se réjouissait que l’expression « Français de souche » eût disparu du langage courant, car la diversité, disait-il, est une richesse… Aujourd’hui candidat à la présidence et désireux d’arracher des voix au Front national, voilà qu’il se met à vouloir nous donner des leçons d’histoire à la façon d’Henri Salvador et à ressortir des souvenirs de l’héroïsme de Vercingétorix. Ne croyons pas que la grâce ait touché ce fils d’immigré ! La référence à « nos ancêtres les Gaulois » date d’après la Révolution de 1789 et elle n’a servi qu’à renforcer le patriotisme jacobin : il fallait à la République, par ce bourrage de crânes simpliste et raciste, faire oublier aux Français que l’élément fondateur et unificateur de leur nation avait été le christianisme. Élu, Nicolas Sarkozy ne nous libérerait donc point du tout du laïcisme qui étouffe la France.

LIGURES ET GAULOIS

En fait, nos tout premiers ancêtres connus furent les Ligures, bruns et de stature moyenne, mais ils furent submergés par les envahisseurs celtes du VIe siècle avant Jésus-Christ. Ces Celtes, rejoints deux siècles plus tard par leurs cousins les Gaulois qui allaient donner son premier nom à notre terre, étaient de grands hommes blonds, vaillants et généreux, impulsifs, aimant les rêves, la poésie, les longs discours et les légendes, hommes de guerre incapables de s’unir en une nation cohérente, épris de lointaines incursions et de pillages. Il semble que, peu à peu, les Gaulois, auxquels il faut ajouter les Belges d’entre Meuse et Seine, s’attachèrent à notre contrée limitée par la mer, les monts et l’eau du Rhin ; ils firent alors de ce sol fertile le pays de la vigne, du blé, de l’orge, du seigle et ils apprirent à nommer et à travailler le hêtre, le chêne, le saule et le bouleau et à fabriquer des tonneaux. Connaissant depuis des temps immémoriaux l’usage du fer, ils se fabriquèrent des outils. À l’abri des immenses forêts, leurs druides, prêtres, juges et maîtres d’école, animaient de vastes assemblées savantes et mystiques, et enseignaient la Création, l’immortalité de l’âme, le mépris de la mort.

Or la conformation de la Gaule se prêtait à toutes sortes d’échanges de courants, ceux du sang, ceux des idées… C’était un isthme, une voie de grande communication entre le Nord et le Midi. La fusion des races commença dès les âges préhistoriques avec l’absorption des Ligures ou de leurs prédécesseurs inconnus, par les Gaulois. Ce qui permettait à Jacques Bainville d’écrire que « le peuple français est un composé. C’est mieux qu’une race. C’est une nation. »

La Gaule aurait pu être grecque. Par Marseille, colonie des Phocéens, elle recevait, outre les produits de l’Orient, l’alphabet grec, les leçons grecques, mais les Grecs n’apportèrent point l’ordre politique dont les Gaulois avaient le plus besoin. Toutes les cités gauloises, tous les cantons, toutes les familles étaient divisés en partis rivaux.

ROMAINS

Cette anarchie causa la perte des Gaulois, car Rome les surveillait, n’ayant pas oublié les incursions celtes du IIIe siècle qui avaient semé la terreur jusque dans la Ville éternelle. En outre, la Gaule était sans cesse menacée par les Germains, et les druides durent demander aux Romains du secours contre ceux-ci. Il se trouva qu’au même moment, Rome éprouvait le besoin d’étendre son influence en Occident pour contrebalancer les richesses asiatiques et africaines qu’elle avait conquises et qui risquaient de lui faire perdre son âme primitive.

Les campagnes de César en Gaule (58- 51 av. J.-C.) furent grandement facilitées par les jalousies et les rivalités des tribus. À aucun moment, même sous le noble et courageux Vercingétorix, la Gaule ne parvint à présenter un front uni. Seulement des coalitions ! Rome trouva des sympathies et des intelligences chez les Rèmes de Reims, chez les Éduens de la Saône, ou chez les Helviens de mon futur Vivarais, rivaux des Allobroges du futur Dauphiné et de la future Savoie… Ainsi la guerre civile livra-t-elle le pays aux Romains. Jacques Bainville avait raison d’insister : « Un gouvernement informe, instable, une organisation politique primitive, balancée entre la démocratie et l’oligarchie : ainsi furent rendus vains les efforts de la Gaule pour défendre son indépendance. » En un sens, les Français d’aujourd’hui donnent toujours une image de Gaulois…

GALLO-ROMAINS

À la Gaule, Rome, par une conquête rude et cruelle, apporta ses bienfaits habituels : l’ordre, l’unité de gouvernement, l’idée d’une justice supérieure aux particularismes, un grand réseau de routes, des aqueducs grandioses, des arcs de triomphe, et surtout sa langue : le latin des soldats, des marchands et des voyageurs, qui allait porter vers les dieux les prières des hommes. Les Gaulois, par eux-mêmes, ne se seraient jamais élevés à la civilisation : romanisés, devenus des Gallo-Romains, ils firent de leur pays la perle de l’Empire.

Rome apportait aussi ses divinités et, sans le savoir, elle fut l’introductrice de la religion du Christ qui vaincrait celle de César. Dès le IIe siècle, dans la ville de Lyon, la resplendissante Blandine, le vieil évêque Pothin, son successeur Irénée avaient fécondé par leur sang la terre de Gaule et ce sang avait été une semence de chrétiens. Au IIIe siècle la persécution avait redoublé et saint Denis, venu d’Orient pour être évêque de Lutèce (Paris), apportant sa tête tranchée à une pieuse femme, illustrait le rôle de la Gaule désormais destinée à recevoir et à transmettre la foi chrétienne.

NOS ANCÊTRES LES CHRÉTIENS

Saint Martin, dont nous fêtons en cette année 2016 le 1700e anniversaire de la naissance à Sabaria (Hongrie), venait de fonder aux environs de Poitiers le monastère de Ligugé et regroupait des âmes éprises de sainteté héroïque et désireuses de se forger pour l’épreuve : un village se fondait tout autour ; ainsi s’ébauchait le paysage campagnard français avec ses paroisses… Martin allait ensuite être évêque de Tours et créer le diocèse-type dont le cadre allait survivre jusqu’à nos jours, tandis qu’au monastère de Marmoutier, sur les bords de Loire, il formait l’armature du futur clergé français. Quand il mourut le 8 novembre 397, ce destructeur d’idoles avait tissé le maillage surnaturel de la prochaine France et installé pour toujours notre pays en chrétienté.

Moins d’un siècle plus tard, en 476, l’Empire romain d’Occident s’effondrait sous les coups du Wisigoth Odoacre, un barbare ! C’était, pour la Gaule, l’annonce d’un avenir de ténèbres et de terreur. Aucune force ne pourrait plus protéger ce pays qu’envahissaient des foules d’immigrés fuyant devant des hordes encore plus barbares. Les leçons de saint Martin allaient être prodigieusement fécondes.

LES HORDES BARBARES

Déjà les Wisigoths, refoulés du Danube, s’étaient vus offrir par le faible empereur Honorius des terres en Aquitaine et autour de Toulouse. Au Nord, les Francs étaient une confédération des peuples germains qui, après avoir constitué des troupes auxiliaires pour Rome, s’étaient établis en Belgique seconde (région de Tournai) et occupaient des terres allant de Reims à Amiens et à Boulogne.

Les Burgondes, d’origine norvégienne, avaient quelque temps gardé la frontière rhénane pour les Romains, avant de s’établir autour de Genève puis de déborder sur la Saône, Lyon et la vallée du Rhône.

Seul le centre du 
pays restait gallo-romain, avec 
les évêques et les
 officiers qui maintenaient à bout de 
bras les légions,
 mais leurs hommes 
étaient de plus en
 plus d’origine barbare. Les évêques 
regroupaient les
 populations apeurées : crosse en main, ils parvenaient parfois à arrêter dans ses pillages le Barbare quand même assez sensible au mystère ! Dans le même sens avait œuvré naguère Ætius, maître de la milice romaine, lequel parvenait à conserver de bonnes relations avec toutes les peuplades. Avec les Huns, ce fut une troupe de bêtes féroces qui déferla et Ætius ne serait jamais venu à bout de leur roi Attila, le « fléau de Dieu », si sainte Geneviève, vingt-huit ans, vierge consacrée de Nanterre, d’origine mi-franque mi-gauloise, n’avait prié fort et forcé les femmes de Lutèce à se refuser à leurs maris si ceux-ci parlaient de fuir. Alors, ce fut la victoire des Champs Catalauniques en 451, à laquelle participèrent ensemble Gallo-Romains, Wisigoths, Burgondes et Francs. Parmi toutes ces peuplades, il est difficile de dire qui sont nos ancêtres…

Le plus grave était que les Burgondes, et encore plus, les Wisigoths fussent devenus les adeptes fanatiques d’une fausse religion : l’arianisme — un christianisme au rabais qui, comme l’islam aujourd’hui, faisait l’impasse sur le “scandaleux” mystère du Dieu fait homme, dévaluait le sacrifice de la Croix et ne reconnaissait nul médiateur entre la créature et son tout-puissant Créateur.

L’on ne pouvait plus rien attendre de la petite enclave gallo-romaine regroupée à Soissons autour de Syagrius, chef de la fantomatique milice romaine, successeur d’Ætius. La seule force apparaissant non hostile au christianisme et capable d’unifier le pays était celle des Francs. Saint Remi, évêque de Reims, s’était attiré l’amitié de leur roi Childéric, que fascinait l’héritage de Rome et qui avait un fils, Clovis, né vers 466. Dès que Clovis devint roi des Francs, à quinze ans, en 481, Remi lui écrivit pour le féliciter. Le jeune roi se montrait soucieux d’agrandir son royaume et défia Syagrius sur le champ de bataille, puis il accepta de se laisser marier avec l’adorable Clotilde, nièce de Gondebaud, roi des Burgondes, laquelle avait échappé à l’arianisme dans un monastère catholique. La mariée n’avait posé qu’une condition : que les enfants nés de cette union fussent baptisés. Clovis eut un peu de mal à renoncer à ses idoles « de bois et de pierre » mais, en 496, alors que la bataille de Tolbiac contre les Alamans s’annonçait mal, sa fierté même le poussa à proclamer le vœu de se convertir au Dieu de Clotilde s’Il lui donnait la victoire.

NAISSANCE D’UNE NATION CHRÉTIENNE

Nous savons la suite : le baptême fut fixé à Reims à Noël de la même année, ce fut le pacte de Reims, non celui d’une personne qui promettait d’être fidèle à Dieu mais de tout un peuple dont les chefs d’alors (3000 de ses officiers) s’engagèrent, pour les générations à venir, à reconnaître la Vérité et à y conformer leur vie personnelle et la vie de la cité. Le sang des martyrs avait manifesté la volonté de Dieu sur la Gaule : il fallait désormais que cette volonté divine rencontrât une volonté politique pour que pût commencer l’Histoire de France (comme allait alors s’appeler notre pays). Le roi des Francs, dévot de saint Martin, voyant très intelligemment la forte identité chrétienne de ce peuple politiquement désemparé par tant d’invasions, en adoptait la religion pour lui donner l’armature institutionnelle qui lui manquait. Tout discours sur l’identité française qui oublie que la France est née d’un baptistère n’est que mauvaise (et mensongère) littérature.

Demander si la France est chrétienne, c’est tout simplement demander si la France existe ! D’autant que si Clovis avait suivi les Wisigoths et les Burgondes dans leur hérésie théocratique et n’avait point montré, en se faisant baptiser catholique, son refus de toute confusion entre les pouvoirs spirituel et temporel, la France ne serait jamais née puisqu’elle aurait été entraînée dans une vaste fourmilière “européiste” tissée par les Wisigoths et leurs cousins de l’autre côté des Alpes, ariens eux aussi : les Ostrogoths. Serait alors née une sorte de Gothie, où la France aurait été noyée. En naissant chrétienne, notre nation affirmait déjà son indépendance ! Il lui fallut ensuite se soumettre les Burgondes et chasser les Wisigoths qui se montraient trop hostiles à la religion catholique.


Donc l’essentiel n’est pas de se référer aux Gaulois qui n’ont en fait pas pesé lourd dans la formation de notre identité, mais de constater que notre pays est un composé qui, sous le signe de l’universalisme catholique fondateur de son identité et de son unité, a vocation à rassembler et à assimiler des peuples divers en une nation forte et bienfaisante. Parler de « nos ancêtres les Gaulois » aujourd’hui, cela ne peut servir à Nicolas Sarkozy qu’à se dresser un paravent si le ciel lui tombait sur la tête en avril-mai 2017…

Michel FROMENTOUX.


Source : Rivarol n°3251 du 29/9/2016

Saint Éleuthère, évêque de Tournai et martyr - 531

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« Nos ancêtres les Gaulois » : ils sont fous ces historiens !


L’école gratuite, obligatoire et laïque a fait croire aux Français qu’ils descendent des Gaulois. Le Petit Lavisse, le manuel phare de la 3e République, commençait ainsi :

« Autrefois, notre pays s’appelait la Gaule et ses habitants, les Gaulois. »

Aujourd’hui encore, dans les livres du cours moyen, après « les temps préhistoriques », la Gaule et Vercingétorix continuent de marquer le début de l’histoire et semblent donc confirmer que les « vrais Français » remontent aux « Gaulois », les autres n’étant que des pièces rapportées.

Comprendre que les ancêtres gaulois sont une fiction récente et que la question des ancêtres et de l’histoire doit être posée autrement n’est donc pas inutile. Alors d’abord, qu’est-ce que la « Gaule » ?

Royaumes « romano-barbares » et royaume des Francs : la Gaule, une notion romaine

Contrairement aux manuels qui évoquent l’arrivée des Celtes en « Gaule », comme si celle-ci existait déjà, la Gaule, Gallia en latin, est une invention linguistique des Romains.

Ces derniers nommaient galli les tribus qui, à partir du IVe siècle av. J.-C., menacent le nord de la péninsule italique. Gallia correspond à l’espace occupé par ces galli. La première « Gaule » est donc en Italie !


Gaulois et autres peuples de l’Europe antique vus en 1882


Au fur et à mesure qu’ils poursuivent leur conquête, les Romains distinguent la Gallia cisalpina en Italie et la Gallia transalpina de l’autre côté des Alpes. Quand César, au milieu du Ier siècle av. J.-C., atteint le Rhin, il décrète que le fleuve est la frontière entre Gallia et Germania. Espace purement géographique, cette Gaule est un territoire morcelé entre des peuples nombreux et César lui-même parle de la guerre des Gaules.

Jusqu’à la chute de l’Empire romain d’Occident, la Gaule est une fiction géographique. Au IVe siècle ap. J.-C., aucune entité administrative de l’Empire ne porte ce nom. Les grandes migrations de peuples venus de l’est et du nord, qui ont contribué à la disparition de l’Empire romain, font naître de nouvelles configurations aux limites flottantes, les royaumes dits « romano-barbares ». Citons par exemple la Burgondie (future Bourgogne), l’Aquitaine des Visigoths, l’Allemanie, l’Austrasie…

Au début du VIe siècle, les Francs – l’un de ces peuples venus de l’est –, réussissent, grâce aux succès militaires de Clovis, petit roi de Tournai soutenu par l’Église, à imposer leur domination sur la plupart des autres royaumes.

Dans la deuxième moitié du VIIIe siècle, tandis qu’au sud des Pyrénées, des califes arabo-musulmans gouvernent l’Espagne, Pépin le Bref, un grand d’une autre famille franque, les Pipinides (futurs Carolingiens), s’empare de la royauté franque par un « coup d’État » et est sacré roi des Francs par le pape. Charles (Charlemagne), son fils, est proclamé empereur en 800.

Les royaumes placés sous la souveraineté des Carolingiens s’étendent de l’océan à l’Elbe, la Bretagne restant à l’extérieur. L’histoire des conflits et des partages ultérieurs du grand royaume des Francs est complexe et mouvante. L’important est de comprendre que cette histoire est, si l’on veut, européenne, et que l’idée qu’il s’agit de l’enchaînement d’une histoire « de France » se déroulant des Gaulois aux rois capétiens est fausse.

Un royaume dit « de France » (regnum Franciae en latin) n’apparaît dans les textes que vers le XIIIe siècle. Annexer Clovis et Charlemagne à l’« histoire de France » est donc abusif.

Populations métissées et langues multiples : pas d’horizon « gaulois »

Ces siècles ont connu, en Europe occidentale, des brassages, des métissages de populations et une très lente transformation des parlers. Dans le cloisonnement de ruralités aux communications difficiles, les langues foisonnent, le latin demeurant celle de l’écrit, des manuscrits, des clercs et des chancelleries. De grands ensembles linguistiques encadrent cette diversité.

Au sud, les langues d’oc sont fortement marquées par le latin, sauf l’insolite enclave basque des deux côtés des Pyrénées atlantiques.

Entre Loire et Meuse, les langues d’oïl, brassage de parlers francs, celtes et latin abâtardi, offrent de multiples variétés.

Au nord et à l’est, les langues restent germaniques, tandis que dans l’Armor, les Bretons immigrés de (Grande-)Bretagne aux IVe et Ve siècles ont (re)celtisé les parlers.

À cet univers multiethnique et multilingue, la puissante Église catholique, régie par le pape et les évêques, a conféré au long des décennies une unité spirituelle. Elle cautionne aussi le système de relations – la féodalité – qui se diffuse au IXe et au Xe siècles : la société dite d’ordres qui établit une stricte hiérarchie entre ceux qui prient, ceux qui combattent et ceux qui ‘travaillent’ pour nourrir tous les autres.

Des communautés juives, dont certaines implantées dès l’Empire romain, sont disséminées en petits noyaux jusque sur le Rhin. Elles cultivent leurs propres traditions, non sans contacts avec l’environnement chrétien en pays d’oc, musulman et chrétien en Espagne. La grande persécution des Juifs par les chrétiens ne commence vraiment qu’avec la première croisade, prêchée par le pape en 1090.

Le Xe siècle voit la lente ascension d’une nouvelle famille franque venue d’Austrasie, les Robertiens, futurs Capétiens. On leur chercherait en vain des ancêtres gaulois. La notion romaine de Gaule survit fugitivement dans les hautes sphères de l’Église. Mais les ancêtres des Capétiens, ‘rois de France’ au XIIIe siècle, sont de valeureux guerriers francs descendant des légendaires Troyens vaincus par les Grecs au temps du roi Priam.

L’origine troyenne des Francs est racontée dans la première grande histoire à la gloire des rois de France rédigée au XIIIe siècle par les moines de l’abbaye de Saint-Denis. Pas trace d’ancêtres gaulois dans ces grandes ‘Chroniques de France’ ni dans aucune ‘histoire de France’ jusqu’au XIXe siècle !

Du mythe troyen au mythe gaulois : les effets pervers de l’origine gauloise

Les Gaulois vont d’abord apparaître avec les grands bouleversements intellectuels et techniques des XVe et XVIe siècles : l’humanisme, l’imprimerie, la redécouverte des textes de l’Antiquité.

Certains écrivains qui, comme tous les contemporains, pensent que l’origine de l’humanité est écrite dans la Bible, vont substituer les Gaulois aux Troyens comme ancêtres des Francs. Ils les décrivent comme un peuple fabuleux descendant de Noé, le patriarche dont l’arche a sauvé l’humanité du Déluge.

Au XVIIIe siècle, les débats autour des ‘Gaulois’ se modifient en s’idéologisant. Ancêtres du peuple, ils s’opposent aux ‘Francs’ qui sont les ancêtres des aristocrates. La Révolution voit donc le triomphe des ‘Gaulois’.

Un peu partout en Europe, l’idée se diffuse que les nations nouvelles ou à former descendent d’un peuple primitif. Pour les historiens français héritiers de la Révolution, les Gaulois sont ce peuple primitif. Ils deviennent alors l’objet de savantes études ou d’imageries populaires (grands, blonds, longues chevelures, teint clair…).

Le personnage de Vercingétorix est alors imaginé, à partir d’une phrase ambiguë de César, comme le premier de nos héros (inconnu avant le XIXe siècle). Il entre en fanfare dans les manuels d’histoire du Second Empire puis de la République.

Cette lecture du passé français à travers la grille d’une Gaule qui préfigurerait la ‘nation’ est obsolète et non sans effets pervers. D’une part elle conditionne spatialement le passé autour du seul Hexagone, excluant de ce passé tout ce qui géographiquement lui est extérieur, comme les Antilles ou même la Corse.

Elle confère à la durée de la présence sur le sol hexagonal présumé ‘gaulois’ une vertu quasi-magique au nom d’une antériorité généalogique qui serait synonyme de supériorité.

Une garantie de l’unité et l’indivisibilité nationale pour les fondateurs de la République

D’autre part, et c’est le plus grave, l’idée d’une souche gauloise ethnicise fantasmatiquement la ‘véritable’ nation et nie la diversité raciale et culturelle qui a constamment accompagné la création historique de la France.

Le royaume en son commencement du XIIIe siècle juxtapose des pays aux parlers et coutumes différentes. Les Antilles esclavagistes du XVIIe siècle ajoutent un nouveau volet à cette histoire. L’histoire de la France ‘Gaule’ et d’un peuple français d’origine ‘gauloise’ fabriquée au XIXe siècle correspond à la vision des fondateurs de la République et garantit à leurs yeux l’unité et l’indivisibilité nationale.

Or, paradoxalement, cette histoire coïncide avec les premières grandes vagues d’immigration de travailleurs italiens, belges, polonais et Juifs venus ‘d’ailleurs’, et avec l’expansion coloniale qui élargit l’espace ‘français’ à l’Afrique et à l’Indochine.

Et cette version de ‘nos ancêtres les Gaulois’ a ainsi été imposée dans les écoles des lointaines colonies. Mais cette histoire de la France ‘Gaule’ est aujourd’hui obsolète pour décrypter une identité française aux multiples racines post-coloniales et mondiales.




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