Qui ne risque rien n'est rien… sur le chemin de Damas, alors que les opinions ont cédé face aux faits…
on ne le dit assez : un âge n'en chasse pas un autre, tous les âges qu'on a vécu coexistent à l’intérieur de soi, ils s'empilent, et l'un prend le dessus au hasard des circonstances.

dimanche 23 janvier 2011

Louis-Ferdinand Céline nous parle…

… moi je veux bien qu’on partage ! Mais moi j’ai jamais demandé mieux ! Là ! Mes quatre sous sur la table  ! Tout de suite encore ! Et bien gagnés ! je vous affirme... dans la quarante-troisième année de son âge !... Pas extorqués du tout au peuple. Jamais touché un petit sou qu’il n’ait gagné 120 fois ! Toutes ses études en bossant, Ferdinand, d’un patron dans l’autre... vous savez ce que cela veut dire... à la sauvette avant la guerre... Pas né dans la bourgeoisie... jamais mis une heure au lycée... de la communale   au  tapin !… Je te connais bien petit bonhomme !... Et youp là fier bambin !... Il marne depuis I’âge de douze ans !... 22 patrons Monsieur, 22... Ils l’ont tous foutu à la porte !... Il en a encore deux ou trois !... et même quatre pour mieux dire... Ils se tâtent pour le balancer... Ils le considèrent troublement... Ferdinand a l’habitude. Il était fourgué aux patrons corps et âme avant sa naissance, comme tous les pauvres... Il a toujours, Messieurs, Mesdames, volé ! Racheté ! Sa vie au jour le jour !... au fur à mesure... fait semblant d’être avec les autres... au banc de galère... Travaillé pour les singes d’une main, de l’autre pour sa tête personnelle... et bien soucieux que nul n’en sache !... Il s’est caché dans les chiottes, il avait l’air d’aller se poigner, pour préparer ses examens... Je vous le dis tel quel... Ils sont méchants les frères de classe dès qu’on essaye de s’affranchir, ils sont pires que tous les patrons, comme jalousie, fiel et lâcheté... Ainsi les bachots... la médecine... et puis le “ Voyage “ en plus, si ça ne vous fait rien... pas par des sentiers, je vous prie, qui passaient par les Ministères. Toujours il a racheté, arraché sa vie, Ferdinand, d’un petit sursis à l’autre... d’un jour à l’autre... par cent mille ruses... et miracles... Il a fallu voler ma vie... et cependant jamais libre... Chaque matin on venait me la reprendre... ce qu’il en reste... c’est régulier... Quand j’entends des piafs installer, parler de leurs inouïes épreuves, de leurs effroyables aventures !... Putain de dieu ! J’en cramoisis !... Plats superficieux petits crabes ! Si moi je voulais causer... Quels  papiers je  pourrais montrer ! Quels passeports m’ont sorti du Bain... Eh ! bien Monsieur, ça m’est égal !... Je veux bien tout remettre sur la table. Si l’on partage “ absolument “. Pas autrement ! Par exemple ! Absolument ! je répète et tout de suite !... Moi je me sens communiste sans un atome d’arrière-pensée ! “ Car vois-tu chaque jour communiste davantage ! Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain... “ Vous connaissez ce mirliton ? Mais alors tout le monde ! Et ensemble... j’insiste ! Sans exception !...    aucune ! Sans sursis !... pas une fausse note ! Pas un soupir dans ce grand chœur ! Je me sens communiste de toutes fibres ! De tous les os ! De toute barbaque ! Et c’est pas le cas pour bésef !
Ce qu’on appelle communisme dans les milieux bien avancés, c’est la grande assurance-nougat, le parasitisme le plus perfectionné des âges... garanti admirablement par le servage absolu du prolétariat mondial...
Louis-Frerdinand Céline, Bagatelles pour un massacre, Éd. de la Reconquête, pp. 99-100

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